Extrait: La Lune Noire, interprète du noeud originel

La Lune Noire

La Lune Noire représente le noyau intérieur de nos forces inconscientes, elle est une source originelle. Dès le début de sa découverte, on l’a appelé Lilith, reine des Enfers, épouse de Samaël.  … 

Lilith, le mythe

 Une époque charnière et riche en transformations telle que nous la vivons, provoque des situations de chaos, propices à nous faire rencontrer des forces qui peuvent nous sembler horribles et destructrices si on s’y laisse prendre au premier coup d’œil. Mais toute destruction ne porte-t-elle pas en soi une résurrection obligée, porteuse d’une nouvelle vie ! C’est probablement pourquoi nous voyons apparaître une fascination pour le mythe de Lilith, synonyme de chaos, de désordre, d’indépendance fantasque, et qui semble avoir été oublié au fil du temps, comme si on avait voulu en effacer les traces.

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Lilith provient, en fait, de traditions très anciennes du Moyen-Orient, qui sont à la source de ce qui a engendré la Bible. On la retrouve étrangement, beaucoup plus tard, dans le Zohar, livre de commentaires bibliques de tradition judaïque. Elle y est présente de façon éparse par des allusions. Il faut rassembler les différents passages pour se faire un portrait plus précis. Dans la Bible traditionnelle, elle a disparu, ou plutôt on l’a remplacée par la présence du serpent, probablement plus acceptable aux yeux de certains que cette première femme, existant avant l’homme et qui ose dire non à Yawhé. Il reste que toutes les traditions mythiques ont leurs femmes rebelles, porteuses de vie ou de mort, fantasques, monstrueuses, trompeuses, castratrices, assoiffées de sang, etc. On n’a qu’à faire référence à Kali, Ishtar, Freija, la Méduse, les Ménades et toutes les autres. Et aussi, dans la plupart des traditions, il y a eu d’abord une femme, déesse-mère ou terre-mère, et Lilith en est un exemple frappant.De Lilith, il est dit qu’elle était au Commencement, avant Adam, avant Ève. Source de fécondité, très prolifique, elle s’active inlassablement à multiplier la vie et elle est mère de centaines d’enfants qui naissent d’elle tous les jours. Elle représente le pouvoir féminin, la connaissance instinctive de la vie, la Nature, dans son sens le plus profond et aussi le plus primaire. Au commencement, donc, Lilith est une déesse-mère, capable d’engendrer tous les jours une progéniture innombrable. Fécondité qui ne se tarit pas après sa rébellion et lorsqu’elle se retrouve aux Enfers, mais elle devient alors, aussi, mortelle pour les humains et dangereuse. 

Et c’est à ce moment que Lilith prend une dimension maléfique et qu’elle est rattachée à l’Ombre, au noir, à la nuit, au néant, à l’enfer, à l’aveuglement et à l’impuissance. Avec de tels liens, il n’est guère étonnant qu’elle impressionne. Ce ne sont pas là tous ses attributs ; il faut souligner, entre autres, un absolu d’indépendance et de liberté qui ne laisse aucune alternative aux compromis quels qu’ils soient. Le Noir fait peur, on y pressent des ombres mouvantes, maléfiques, semant d’autant plus la crainte qu’elles sont invisibles, qu’elles nous manipulent à notre insu, nous laissant impuissants à réagir et vidés de nos forces. 

La rébellion de Lilith 

Sans cette force féminine réceptrice, il n’y a pas de création concrète possible, donc il est tout naturel qu’elle se voit l’égale de la poussée Yang, d’où la rébellion très compréhensible de Lilith lorsqu’il lui est demandé de se soumettre à l’homme. En reniant l’importance de cette réalité féminine en tant que force essentielle à la création, ne se retrouve-t-on pas avec une équation impossible ? C’est pourquoi Lilith refuse de se soumettre à Adam comme il lui est demandé, elle se veut son égale et ne voit pas pourquoi il en serait autrement.  Dans le Zohar, il est dit aussi : « La Femelle conçut le mâle et enfanta l’esprit d’Adam ». Mère d’Adam ! Quel est ce fils dont elle devrait devenir la femme à la demande de Dieu ? ce qu’elle refusera, d’ailleurs, préférant les Enfers à ce mariage. Elle se rebelle d’avoir à se soumettre à une volonté qu’elle considère abusive. Pourquoi lui accorderait-elle cette autorité alors qu’on ne peut rien sans elle ? Cette opposition s’avère par elle-même une force importante qui prendra tout son sens avec le temps. C’est ainsi, en réalité, qu’elle remplira finalement sa tâche. 

La mission d’Adam

Lilith était là, au commencement, avant Adam, et c’est à elle d’enfanter son esprit. Si on comprend Lilith comme représentant les forces premières de la nature, la création dans son évolution, on comprend qu’Adam représente l’arrivée de l’humain. Il est le premier homme, un être pensant, c’est-à-dire qu’il possède, en potentiel, la capacité d’acquérir la connaissance complète, entière, et de pouvoir l’incarner. Il pourra alors, faire le lien entre le Ciel et la Terre. N’est-il pas le fils du Ciel (créé par Dieu) et de la Terre (Lilith) ? C’est donc dire que Lilith a fécondé Adam, puisque l’homme fait partie de l’évolution terrestre. Mais cela suppose aussi la volonté d’une intelligence plus grande, contenue dans le souffle créateur, que l’on peut appeler volonté divine, dans le sens d’une volonté de poussée sous-jacente à l’univers tout entier, une Intelligence inhérente à l’univers. 

Adam est le fils de Dieu et il a croqué la pomme de l’Arbre de la Connaissance (encouragé par le serpent, digne représentant de Lilith), c’est-à-dire qu’il possède les atouts nécessaires pour connaître les choses, connaître l’univers qui l’entoure ; il est donc doté d’un « mental » ou d’une « intelligence ». Ne voilà-t-il pas un pouvoir extraordinaire. C’est ainsi que Lilith le féconde, elle lui fait croquer la pomme, elle le réveille au désir de connaître, autant par l’expérience des sens que par le désir de découvrir, d’apprendre, elle le met donc sur la longue route de l’évolution de la conscience.  Mais l’humain, quoique pensant, ne possède pas de façon innée le pouvoir de la connaissance et de la création, celui-ci lui reste à acquérir. Il est confié à Lilith un rôle primordial pour aider Adam à y arriver. Lilith, force d’opposition, mater matéria, terre-mère, creuset de l’expérience, sera pour l’homme une confrontation continuelle avec la réalité, façonnant ainsi sans relâche l’esprit de celui-ci, avide de comprendre cet univers dans lequel il est piégé. Il acquerra durement cette connaissance et il aura pour cela besoin de l’aide du Temps et de l’Expérience. C’est par cette confrontation à travers le temps que Lilith féconde l’esprit d’Adam et lui permet ainsi d’arriver à son aboutissement. …

Lilith, force primaire 

Pourquoi donc Lilith, connaissance instinctive de la vie, ce véritable pouvoir féminin, refuse-t-elle d’épouser Adam et de se soumettre à Dieu ? Voilà une question que l’on peut se poser.

Avant l’homme, il y avait la matière, il y avait la vie, les forces de la nature, végétales et animales, obligatoirement soumises aux lois sous-jacentes à la création, les projetant d’instinct ; il n’y a pas d’intervention mentale, c’est la Nature dans son expression la plus pure.

Elle sait parce qu’elle est, sans autre forme de réflexion ; ça ne lui est d’aucune utilité, semble-t-il, de développer un esprit qui sera à la recherche insatiable d’une Compréhension. Elle se satisfait de son instinct de la vie, elle veut jouir de ce que les sens lui offrent, et ne veut le remettre en question. Et pourquoi pas ? Elle se sait un des pôles incontournables de la vie, elle est la matière première, celle qu’on doit ensemencer pour que la vie soit féconde, on ne peut faire sans elle. Plus, elle représente les forces primaires de la nature, celles qu’on ne contrôlent pas, qui peuvent se déchaîner avec une violence inouïe. Les forces de l’eau, du feu, de l’air, de la terre, qui sont sources de vie mais qui peuvent aussi entraîner une destruction effrayante.

Cette réalité féminine, sauvage, reste enfouie dans le fond de la nature de tout humain, telle une empreinte indélébile. 

Le chemin d’Adam

Lilith représente en nous ces forces primaires qu’on ne maîtrise pas, le pouvoir de l’Instinct qui, finalement, fait peur. Adam, représentant pour sa part l’humain dans sa quête (puisque le divin a semé en lui le besoin du ciel), ne peut se satisfaire d’une existence dont il ne comprend pas la raison, et surtout dont il n’a pas la maîtrise. Il développe alors la peur de Lilith.

 

Il rejette en lui les forces instinctives qu’il ne maîtrise pas, il les refoule, les renie, croyant ainsi les dompter et les contrôler. Il cherche à les enfouir au plus loin de sa conscience. Ce faisant, il fait le premier pas concret sur le chemin de la dualité. Mû par une quête du plus et par un besoin impérieux de savoir et de pouvoir organiser le monde qui l’entoure, il devient moralisateur, divise la réalité en « bon et mauvais », en « bien et mal », établit des échelles de devenir, classe les valeurs, explique son monde environnant selon ses critères, bref s’enfonce dans un labyrinthe de savoir, refusant l’inexplicable ; il se retrouve ainsi sur le chemin de l’apprentissage, l’expérience le confrontant sans cesse.

L’humain est né d’une dualité, il est lui-même cette dualité, fils du ciel et de la terre. Mais il peut avoir accès à l’Arbre de la Connaissance, c’est-à-dire qu’il est porteur de cette quête de l’Unité, source première, existant au-delà de cette dualité, tout en l’incluant. Pour y arriver, il devra connaître l’Ombre et la Lumière, avoir percé à jour cette double réalité, l’avoir vécue et revécue, l’avoir ressentie jusqu’au plus profond de lui-même, et ne plus être esclave de son ignorance et de ce jeu des contraires que l’on peut trouver cruel sans doute. 

Peut-on en vouloir à l’humain de rejeter, terrifié, le gouffre noir de l’Ombre, de l’inconnu ? Que veut dire l’Ombre si ce n’est pas la pénétration de la matière, dure, réelle, incontournable ? Ne dit-on pas « descendre dans la matière », que « l’homme a chuté », etc. .? Ce sont des expressions qui témoignent de cette dure réalité qu’est la confrontation avec la matière, avec la vie, et qui représentent aussi la quête de l’homme à la recherche de son sens devant ce qui peut aisément ressembler à de l’absurde…. 

Au bout de son expérience, l’humain doit retrouver Lilith, représentante de l’Ombre, faire face à ses peurs, les reconnaître et les intégrer. Lorsqu’il est prêt à faire face à ce qu’il a de plus primaire et cristallisé à l’intérieur de lui, il amorcera la descente aux Enfers où règne Lilith. Il osera explorer les couches les plus profondes de son inconscient, se confrontant ainsi aux forces primaires de son être. Et Lilith ayant la connaissance de ses forces, lui donne alors la clef nécessaire à son accomplissement.

Dans toutes les traditions initiatiques, on considère la descente aux Enfers comme un passage obligatoire vers la sagesse, une purification nécessaire, une épreuve incontournable. De tout temps, on a respecté et craint celui qui était descendu aux Enfers, celui qui connaissait, à ce moment, ces ténèbres terrifiantes et en était revenu. Il devenait alors un dieu ou un saint. Il avait vaincu la peur, avait vaincu le Dragon, avait chevauché le Tigre, avait rencontré le « Gardien du Seuil », avait vaincu la dualité. Il ne rejetait plus les ténèbres, elles lui appartenaient, elles devenaient « énergie » pour lui, elles devenaient une source. Il était devenu Arbre de Vie, autant capable de plonger ses racines dans les profondeurs de la terre pour y puiser les éléments vitaux que de déployer ses branches au soleil pour y recevoir une énergie de lumière tout aussi vitale. Voilà un des symboles des plus complets de la réalité yin et yang réunis pour faire circuler la vie. On ne peut rejeter les Ténèbres sans se couper d’un des pôles fécondants de la Vie. De même, rester aux Enfers ou dans les Ténèbres empêche tout autant l’épanouissement.

Et voici Ève…

Mais Adam ne peut faire face à Lilith dès ses débuts, sa force primaire le rebute, et il n’a pas encore accumulé l’intensité nécessaire pour cela. Il lui faut donc un féminin plus accessible, alors arrive Ève. Née d’une côte d’Adam endormi par l’intervention de Dieu, Ève est de la même matière que celui-ci. De plus, elle est en quelque sorte reliée au Rêve, puisque conçue pendant son sommeil. Le rêve est le propre de l’homme, il se laisse bercer par tous les possibles, par des buts chimériques ou complaisants. De plus, il a besoin de se sentir soutenu par la vie, il se sent fragile dans un univers qui peut lui sembler hostile, une femme attentive comble ce besoin.

Ève est prête à partager le destin d’Adam, elle représente la femme non seulement soumise mais aussi protectrice, celle qui s’occupera de soutenir la vie au quotidien. La connaissance des cycles de la nature, la nourriture que l’on peut tirer de la terre, la reproduction, la protection de la vie sont autant de symboles que l’on accorde aussi au féminin mais ceux-ci sont plus acceptés. La compagne donnée à l’homme rassure par sa constance, sa réceptivité, ses soins attentionnés. Ève représente le refuge du foyer, la maternité, la douceur, mais aussi le quotidien, l’intimité, la cellule autour de laquelle s’organisent toutes les dynamiques de l’humain. 

Ève, que l’on croit maîtriser, alimente le rêve de la douceur, de la paix, de la tendresse, nous donne l’impression d’être protégé par la vie et de la contrôler. Mais, finalement, elle nous amène petit à petit dans l’expérience pas du tout contrôlable de cette même vie. Ève nous amène dans la matière, c’est-à-dire dans l’expérience et l’absorption de la réalité par un mirage accessible, et il faut croire que nous en avions besoin pour s’y laisser prendre ; et surtout pour développer, par le vécu quotidien à long terme, une compréhension intégrée de cette réalité.

En fait, on a divisé le féminin en créant Lilith et Ève, deux visions, deux façons d’appréhender l’Inconnu. Deux féminins, l’un qui annonce ses couleurs sans adoucissements, qui annonce l’emprise des sens, la puissance des forces primaires qui, plus tard feront connaître la descente dans le gouffre. Un des symboles les plus percutants attribué à Lilith est celui du vagin denté ; l’idée en elle-même est suffisante pour créer une hantise de castration. De quelle castration peut-on parler si ce n’est celui du pouvoir personnel que l’on croit posséder, de la hantise de se voir dans l’obligation de vivre une situation d’impuissance, d’être écrasé, anéanti, sans ressource, sans aucun recours possible !

Que l’on se rebute paraît donc tout naturel. Voilà pourquoi l’homme a besoin de ce féminin représenté par Ève, accessible, qui présente la vie comme attrayante ; mais aussi, et c’est loin d’être négligeable, lui donnant raison dans sa quête de compréhension. Celle-ci passe longtemps par tous les détours d’une quête de réalisation sous toutes ses formes : le plaisir, l’avoir, la puissance, la gloire. 

Lilith, Ombre

L’humain se laisse bercer longtemps par ses rêves, se laisse prendre par les routines, les besoins quotidiens, tout ce qui lui apporte un bien-être temporaire, s’interrogeant seulement quand il est éprouvé. Il rejette dans l’ombre tout ce qu’il ne peut absorber de la réalité, tout ce qui le dépasse et surtout, tout ce qu’il refuse. Ce refus devient Lilith, qui guette au fond de son âme et appartient à l’Ombre, et il n’en a que fort peu conscience pendant longtemps. Il lui faut accumuler de la force et beaucoup d’expérience pour l’affronter.

 

Paradoxalement, les mystères des Ténèbres, où règne Lilith, nous attirent non seulement parce qu’on y pressent un pouvoir fantastique et que nous ne le possédons pas, mais aussi parce que la véritable naissance de l’humain à l’Humain conscient en dépend. On voudrait s’approprier ce pouvoir mais sans en payer le prix, sans avoir à l’incarner, ce qui veut dire le vivre, le ressentir dans notre réalité psychique et corporelle, pour savoir véritablement, concrètement, de quoi il s’agit. On se retrouve avec une puissante attraction envers ce pouvoir que l’on ne peut soutenir, et d’autre part, avec un refus cristallisé par la peur.

Souffrance relative, latente, épisodique, on s’endort, avec des explications et des justifications, et surtout en essayant de jouir d’une réalité accessible dans l’immédiat mais toujours temporaire. On profite du « bon » moment, en espérant que le malheur nous évitera et en cherchant des recettes de vie correspondant à nos attentes, frustré en plus de ne pas pouvoir se réaliser totalement. On cherche à se sécuriser, mais, au fond, on reste frileux.

Lilith devient pour l’humain un paradoxe ; d’un côté l’Ombre, antre de nos frayeurs et de l’inacceptable, et de l’autre, la vision d’un Absolu, contenu dans le pouvoir pressenti de Lilith. 

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Chacun se fait une vision de l’Absolu, il y est attiré comme un papillon autour de la lumière. Comme celui-ci, d’ailleurs, il s’y brûlera, car un Absolu est une polarisation, et son corollaire signifie qu’il contient le rejet de son contraire. Il est demandé plus que cela à l’homme, qui doit inclure, dans sa réalisation finale, toutes les réalités. 

L’intégration de l’Ombre

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Lilith qui était au commencement, représentant les forces primaires et non-apprivoisées de nos instincts, nous attend à la « Fin des Temps » dit le Zohar, c’est-à-dire qu’elle nous attend le moment venu, pour nous obliger à faire face à nous-mêmes, à nos démons. Lilith voit dans la nuit, elle la connaît, rien ne lui échappe. Elle nous entraînera dans la descente en ces profondeurs de notre être, afin qu’on y plonge nos racines et qu’on crée la fusion nécessaire avec toutes nos parties. Alors peut commencer la véritable tâche, celle de devenir des êtres conscients, des « Arbres de vie », porteurs de la Connaissance, et par le fait même soumis à la loi de l’Univers puisqu’inséparables. Seulement alors, nous devenons de véritables participants du plan divin plutôt que de le subir. 

Lilith et les autres démons comme elle sont rattachés dans le Zohar, au pilier de la Rigueur de l’Arbre Séphirotique, c’est-à-dire au réceptacle rigoureux qui sait et ne fuit pas. Le féminin que l’on sort de l’Ombre, dévoilant les vérités que l’on ne souhaite pas voir et entendre, capable de se regarder sans faux-fuyant, sans excuse, qui n’accepte plus ni duperie ni justification, voilà la Rigueur dans toute sa force et son sens. Plus de tricherie, on sort tout notre être de l’ombre. Car Lilith demeure toujours incapable de compromis. 

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En face du pilier de la Rigueur, il y a le pilier de la Miséricorde ; ils sont absolument indissociables pour qui part en quête de ses profondeurs, car pour les intégrer, il faut développer une capacité de compassion et de pardon envers soi-même, sans altérer d’aucune façon la volonté de reconnaître sans complaisance ses noirceurs. Le regard que l’on porte sur soi s’en trouve transformé, et s’ensuit celui que l’on porte sur l’humanité toute entière. 

Lilith nous attend donc pour nous aider dans la connaissance de soi. Elle est là, cachée, et surgit chaque fois qu’elle le peut ; c’est ainsi qu’agissent les forces de l’inconscient. Vouloir la connaître, c’est commencer la véritable découverte de soi et c’est accepter la vie dans toute sa réalité ; et encore plus, c’est con-naître la Vie. La clef qu’elle nous livre, c’est celle qui permet d’intégrer notre Ombre, d’y puiser l’énergie emprisonnée et, enfin, de se libérer. 

De Lilith à la Lune Noire

Force de Refus/Quête d’Absolu

Un mot-clef rattaché à la Lune Noire est un Non !, un Non profond, violent, qui se veut catégorique et absolu. Un cri ! Le même cri que celui lâché par le nouveau-né lorsque l’air pénètre dans ses poumons et qu’il reçoit le choc de la vie. Tout est dans ce moment, tout y est condensé, le refus de la violence du choc, la volonté de vivre et la fin du confort inconscient. Avec ce cri se cristallise un refus qui se manifeste chaque fois que nous sommes confrontés aux chocs de la vie et qui reste inscrit en nous-mêmes. Il faut beaucoup de chemin pour parvenir à la pleine acceptation de toutes les facettes de la vie. Lorsqu’on ressent dans ses entrailles la poussée de ce cri, dans ces moments terribles, on a une idée de l’ampleur de la force contenue dans ce refus. 

Pour chacun, ce refus se cristallisera par la suite dans un premier événement, vécu comme insupportable, soulevant une panique et créant un choc tel qu’autour de cet événement se développera aussitôt des réflexes pour ne plus le revivre. Il est contenu dans cet événement aussi une telle perte de sécurité, une telle impuissance que la peur s’inscrit profondément. Et par la suite, tout ce qui pourra constituer un rapprochement avec cet état sera assimilé à ce que l’on doit fuir.   En même temps que le choc brutal ressenti, paradoxalement, on garde la mémoire, plus ou moins clairement d’un état « avant » vécu comme une perte épouvantable, un état qui devient magnifié, idéalisé, ce qui crée la nostalgie de cet état. Un désir compulsif de le retrouver en émerge. L’événement qui est si terrible pour l’un serait anodin pour un autre. Pas besoin de chercher ici des faits tragiques, bien que la vie en offre beaucoup, mais ce qui déclenche le processus pour chacun ne nécessite pas toujours des événements si dramatiques. Un jour ou l’autre, la vie nous paraît cruelle et insupportable et on perd l’innocence première.  On a ici, en résumé, le complexe de la Lune Noire : une énorme tension entre le désir de retrouver un état premier perçu comme idyllique et une peur viscérale de revivre un cauchemar.

y arriver. Un univers qui a mis quinze milliards d’années à l’engendrer, comme être pensant. 

…….. 

Le drame de l’humain n’est-il pas de savoir qu’il existe ? Il tâtonne, il cherche, il est en quête de sa destinée définitive, celle qui n’a plus besoin de s’interroger. En attendant, il se trouve mille et une raisons de vivre. Celles-ci ne tiennent qu’un temps avant d’être balayées par des bouleversements ou tout simplement par l’érosion du temps qui finit toujours par relativiser, jusqu’à dissoudre l’importance qu’on avait accordée à ces buts temporaires, si élevés semblaient-ils ! 

Avec le temps, Lilith nous permet d’acquérir de la maturité, à force de luttes acharnées d’où elle sort vaincue puisqu’elle ne peut tenir au grand jour son personnage, ce qu’elle désirerait véritablement. Plus elle s’acharne, plus elle nous fait découvrir les forces contraires, dualistes de la réalité ; alors elle devient pour nous Rigueur, elle devient celle qui nous permet de découvrir nos Ténèbres. 

Elle incarne ces Ténèbres, elle s’acharnera à nous laisser savoir ce qui n’est pas encore intégré de notre réalité profonde, qui appartient à l’Ombre, ce qui n’est pas encore résolu. Elle tiendra jusqu’au bout, tant et aussi longtemps qu’il restera des coins sombres à révéler, des lieux de notre inconscience et de nos instincts primaires qui appartiennent au refus et à l’ignorance. Elle règne en ces lieux, elle les connaît et en garde possession tant qu’ils existent. Si on se met à son écoute, elle n’aura de cesse de nous les amener à la lumière, elle peut nous les indiquer, les mettre en relief avec la même volonté extraordinaire qu’elle a mise dans son refus. Y aurait-il véritablement possibilité d’accéder à la Conscience s’il n’y avait au départ cette résistance farouche ? Cette tension, par son insistance, par la confrontation qu’elle nous fait vivre, ne nous fait-elle pas intégrer finalement, jusque dans nos cellules, la Connaissance ? Il semble que chaque parcelle de cette connaissance soit acquise avec beaucoup de difficultés. 

…….

Quand on cherche à contrôler, ou à interdire des réalités, parce qu’on ne veut plus avoir mal, nous construisons des digues qui empêchent la libre circulation des énergies et les entrechoquements nécessaires au processus créateur ; mais nous empêchons aussi la possibilité de découvrir en profondeur, donc d’accéder à une compréhension globale. 

Ce que l’on s’interdit, ce que l’on refuse d’envisager, ressort en sursauts incontrôlables, brisant la digue de nos peurs et de notre bonne volonté, nous prouvant que ça existe encore en nous. C’est pourquoi la Lune Noire représentant ce qui est refoulé ou interdit, fait peur. Dans un thème astrologique, elle représente ce qui ne devrait pas exister, ce que l’on voudrait juguler, pour ne pas encourir le risque de faire des erreurs aux conséquences désastreuses.

               

Comment se fixe l’interdit

L’Absolu que représente la Lune Noire, ce personnage idyllique qu’on voudrait manifester, lorsqu’on croit que l’on peut s’y laisser aller, emporte comme si on était aspiré par une force surhumaine. Comme on ne réussit pas à freiner l’élan, comme si tout corroborait le maintien du personnage, on va jusqu’au bout. Le plus souvent, il trouve d’ailleurs des admirateurs fascinés qui le soutiennent, et le confirment ainsi dans cette image. Grisé, il ne peut s’arrêter ; il en découle finalement la rencontre avec l’excès et ses conséquences. 

Voilà qui est difficile pour la vision d’un Absolu sans partage et qui se voudrait définitif. L’orgueil humain est insatiable ; il n’est jamais rassasié, ce qui le rend plus vulnérable à la déchéance, encore plus que la loi de l’élévation et du déclin. Arrivé à un sommet quelconque, il voudra s’y maintenir ou en demandera davantage. Il en arrive ainsi à agir le pire après le meilleur. Il s’attire donc lui-même les mécanismes de son déclin, voire la déchéance ou la chute brutale. Il faut beaucoup de maturité pour savoir accepter le rejet après avoir été adulé. Il semble que nous ayons besoin d’accumuler beaucoup d’expériences positives et négatives pour y arriver quelque peu et acquérir ainsi quelque sagesse. Car quand il y a sagesse, il serait étonnant qu’on se laisse griser aveuglément par un succès.

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Qu’est-ce qui fait réellement mal si ce n’est de perdre la face, d’essuyer des humiliations, de vivre l’abandon, le rejet, le mépris ou la condamnation de gens qu’on aurait voulu éblouir ? Les chutes et les déchéances que l’on traverse dans une vie ou dans le cycle des incarnations tiennent à notre acharnement orgueilleux et surtout, à l’inconscience et à l’ignorance. On ne sait pas ou on ne veut pas savoir que des limites existent. Il nous faut apprendre.  Ces expériences douloureuses laissent des marques indélébiles dans l’âme. On ne veut plus s’y laisser prendre, la peur s’installe et nous commande des interdits. 

Dans un thème astrologique, la Lune Noire indique un rêve d’Absolu, une vision individuelle quasi mythique de la perfection plus ou moins endiguée chez chacun par un interdit. Cet interdit s’est installé suite à un échec cuisant vécu comme intolérable, et dont on porte l’entière responsabilité. Normalement, ceci, de plus, fait suite à une heure de gloire. On a joué le pire après le meilleur. La peur de l’échec, de ne pas être à la hauteur et de vivre encore l’humiliation cristallise alors un  interdit autour de ce que veut dire la Lune Noire. Ce qui n’empêche pas d’en garder la nostalgie. Il y a donc fascination et rejet du même souffle de ce que représente la Lune Noire. 

 … 

……. 

Soi-même, on peut être tiraillé par des désirs, des fantasmes dont on s’accuse intérieurement, impossibles à avouer extérieurement. On se sent soulagé quand on se fait confirmer d’une façon ou d’une autre que ce n’est pas visible. Et quand, malencontreusement, se manifeste au jour ce que l’on pensait contrôlé et refoulé, c’est la panique, et on se dépêche d’effacer l’effet produit. Paradoxalement, on se désole que personne ne voit en nous ce que nous aspirerions, au fond, faire reconnaître ; ou tout simplement on se sent frustré de ne pouvoir agir les qualités incluses dans ce que nous nous interdisons. Ce qui démontre à la fois que l’on garde un sentiment d’incompétence à agir ces qualités, mais aussi une nostalgie de ce qui a été admiré ou de ce qui demeure inaccessible. Si on pouvait ne représenter que le positif sans sombrer dans le négatif !…Voilà un rêve plus ou moins conscient qui appartient à la Lune Noire. Ce n’est jamais tout à fait disparu. En fait, il s’agit de notre véritable talon d’Achille, plus ou moins affaibli, mais bien présent et qui nous incarne coûte que coûte.   Si la peur et l’interdit sont moins présents, on risque de vivre des expériences de démesure apportant succès et échecs, tissant ainsi sa propre toile. Quand l’énergie peut se manifester et qu’il n’y a pas trop de craintes, la tendance est de le faire sans retenue, soutenu par le succès et l’admiration, il y a risque d’excès avec les conséquences que l’on sait. L’entêtement orgueilleux pour ne pas avouer une erreur ou perdre la face, quand ce n’est pas tout simplement d’être aveuglé par son propre succès, peut diriger quelqu’un vers l’abîme ; on en a des exemples couramment. Ceci peut se vivre, évidemment, à des degrés dramatiques divers. 

La Lune Noire : expérience incontournable

                                      et source obligée d’apprentissage

De toute façon, la Lune Noire est ressentie pour chacun, soit elle nous fait vivre une expérience directe comme mentionnée ci-dessus, ou, on s’y frotte indirectement lorsqu’elle nous est interdite, alors elle se manifeste par l’entremise de personnes, d’événements répétitifs, de difficultés tenaces qui se retrouvent régulièrement sur notre chemin et qui nous bouleversent et nous dérangent fortement.   

Au fur et à mesure que l’on vit des faits percutants, on inscrit dans notre mémoire ce qui a été ressenti, ainsi que les raisonnements faits à ces moments, et ce, que ce soient des faits positifs ou négatifs. Comme on le sait, le propre de l’humain est de chercher à répéter ce qui a été plaisant et valorisant, et de fuir ce qui a fait mal. On devient ainsi conditionné, programmé. Il n’empêche que ne démord pas facilement l’espoir de pouvoir se reprendre, avoir une seconde ou une troisième chance et plus, de pouvoir s’entendre dire que l’on a pas mérité le sort douloureux. On voudrait exiger, en quelque sorte, réparation et retrouver l’aspiration absolue, si fascinante. Ce qui explique que l’on puisse tomber aussi souvent dans le même panneau, comme la vie nous le prouve régulièrement. Ce n’est pas un hasard si on s’accroche désespérément à quelqu’un de qui on attend amour ou reconnaissance, et de qui on est toujours déçu ou blessé. De même, ce n’est pas un hasard non plus que tel ou tel domaine de notre vie subisse systématiquement des frustrations ou des échecs alors que d’autres évoluent si aisément. Pourquoi, alors, n’arrive-t-on pas à faire le deuil de ce qui ne va pas ? Sans parler du genre de personnes qui, systématiquement nous fascinent à nous faire perdre tout jugement, ou soulèvent notre aversion ou nous blessent. L’étude de la Lune Noire répond à ces questions. 

C’est ainsi que certains vécus sont trop dramatisés, ils rappellent des expériences douloureuses et réveillent des blessures pas toujours cicatrisées, colorant émotivement et grossissant non seulement la réalité même de ces souvenirs, même s’ils sont inconscients, mais empêchant au moins en partie, quand ce n’est pas complètement, une vision objective des faits de la réalité actuelle. Encore là, la Lune Noire nous informe.  Il est très fréquent que la source de nos comportements soit oubliée, elle dort au fond de notre inconscient, mais quand on gratte un peu, ce qui semblait dormir profondément se soulève, et très souvent avec force. N’oublions pas que la Lune Noire représente nos forces primaires, avec elle nous rencontrons les extrêmes. Tout semble indiquer que l’humain est poussé à rencontrer ses forces, sûrement pour se rencontrer lui-même et découvrir sa véritable nature. Mais la puissance qui y est contenue est immense et nous fait comprendre le long périple du temps qu’il lui faut pour arriver à une maturité suffisante pour intégrer cette force. En attendant, il est en chemin.

Il faut apprivoiser la Lune Noire

Il nous faut apprendre à apprivoiser le contenu de la Lune Noire, apprendre à débusquer ses différents visages, à développer l’écoute intérieure qui nous permet d’y accéder, à admettre les sentiments dérangeants qui nous animent ; ainsi nous apprenons à connaître notre âme dans ses profondeurs. Il nous faut apprendre à ouvrir la porte de cet interdit, oser agir le défendu sans se laisser prendre par la panique qui se soulève devant ce qui apparaît comme inacceptable, soutenir le jugement des autres, et réajuster notre jugement devant la réalité telle qu’elle est, et non du point de vue dramatique lié à la peur viscérale inscrite dans la Lune Noire. 

De plus, il nous faut aussi apprivoiser la force d’attraction incluse dans la Lune Noire, apprendre à agir l’interdit sans se laisser emporter et griser par un absolu qui fait perdre tout sens commun. Il faut donc ramener celui-ci à des proportions plus réalistes, ce qui implique le deuil d’un rêve, ou plutôt d’un mirage qui agit comme un aimant. Un jour ou l’autre, au bout du périple de notre refus, nous faisons le choix conscient de nous incarner, nous nous réapproprions la volonté de vivre, en toute connaissance de ce que cela implique. Nous participons alors plus pleinement et avec un accord profond de la Création. 

Conclusion

La Lune Noire représente le nœud originel autour duquel se développe toute notre personnalité. Elle remonte au commencement, comme Lilith. Elle est le fondement, la source du vécu heureux et malheureux. L’attraction due à la vision de l’Absolu qu’elle exerce dès le début nous englue dans l’expérience de la réalité, nous obligeant ainsi à la connaître dans le meilleur et le pire. Elle est le fil qui tisse la toile de la chrysalide de laquelle nous émergeons un jour transformé, exhalant la beauté de la vie comme un papillon ; ceci d’autant plus que la douleur et la noirceur sont connues, intégrées et transcendées. Elles ont cependant participé à cette réalisation. Sans cette attraction, ferions-nous ce voyage à travers la vie ? Aurions-nous tant envie de nous incarner, ce qui veut dire prendre chair, donc de pénétrer la matière, de réussir à s’y fusionner sans se perdre. Elle nous amène au cœur de cette matière, au noyau dur, pour y prendre l’énergie contenue. 

De cette façon, elle permet l’ouverture à la Conscience, donc elle nous sort avec le temps du puits d’ignorance. Ceci parce qu’elle rend l’expérience de la réalité incontournable, puis oblige la réflexion, oblige aussi à se débattre avec la vie, à la connaître, et finalement conduit à l’observation de soi, instrument essentiel à la connaissance de soi, qui mène à la Conscience.  

Pattern de Comportement engendré par la Lune Noire

                        La croix de la Lune Noire

Jusqu’ici, nous avons étudié la Lune Noire elle-même. Celle-ci représente un inconfort difficile à vivre, et le plus souvent un interdit décrété avec force. Même s’il est fréquemment devenu inconscient, sa présence reste toujours sous-jacente. Soit parce qu’on ne peut, soit parce qu’il ne faut pas être la Lune Noire, il y a besoin de se définir autrement. Les carrés et l’opposition à la Lune Noire joueront des rôles de compensation, chacun à leur façon. Ceci se vit comme une réaction en chaîne et devient un pattern de comportement à la base de toute la personnalité.Si l’énergie associée à la Lune Noire n’est pas vraiment empêchée d’être, elle représente alors une zone d’expériences sensible avec laquelle on se débat, on risque de vivre des hauts et des bas, des succès et des échecs, d’être tiraillé entre l’attrait de celle-ci et l’aversion. Avec la difficulté, on passera aux autres étapes du pattern tel que nous allons le démontrer ici. Donc, la force de l’interdit de la Lune Noire est variable pour chacun. La lecture astrologique du thème nous renseignera sur le sujet, surtout par la place qu’elle tient dans le thème, ses aspects, etc. L’importance de chacun des points nous aide aussi à voir où on en est face à celle-ci. 

Étudions donc le mécanisme du développement de ce pattern à travers la croix formée par ces quatre points. Partant de la Lune Noire, on se déplace au carré ascendant appelé Point de Négociation, puis on se rend à l’opposition appelé Priape*, et finalement on termine le tour avec le carré descendant appelé Point de Réaction. 

                                                      

*Un mot sur l’appellation de Priape

L’utilisation du terme « Priape » remonte au début de la découverte de la Lune Noire. Celle-ci ayant été aussitôt associée à Lilith, on a associé son point opposé à Priape. Ces deux personnages mythologiques étant généralement associés à la sexualité, les premières études sur la Lune Noire ont surtout fait le lien avec la sexualité ; on aurait donc ici le mâle et la femelle des attributs sexuels. Mais on a vu que Lilith peut représenter beaucoup plus. Il en est sûrement de même pour Priape.  

La sexualité représente en elle-même la quête de l’Unité ; toute quête à quelque niveau que ce soit est, dans son fondement, sexuelle. On peut la vivre au niveau physique et primaire, ou dans quête de l’amour, la quête religieuse ou transcendante, cela reste une pulsion fondamentale de retrouver l’Unité, la plénitude. Avec Lilith et Priape, on a donc un pôle femelle et un pôle mâle de la sexualité. L’étude de Priape n’a pas été développée dans ce livre. Plusieurs auteurs ont conservé ce terme, d’autres non, sans le remplacer par un terme vraiment significatif. Soulignons tout de même que si Lilith est sans compromis, démasque, décape, dénude et montre ses couleurs sans tricherie, Priape, quant à lui, parade, séduit, danse et trompe facilement. Lilith est envoûtante, Priape est laid et difforme, répulsif, ce qui ne l’empêche pas d’un libertinage effronté. Et les deux représentent des forces instinctives primaires. 

Carré Ascendant ou Point de Négociation

Il faut comprendre les qualités qui se développent au carré ascendant avec le point de vue de quelqu’un qui éprouve le besoin pressant de prouver qu’on ne peut l’associer à la Lune Noire, celle-ci représentant une expérience pénible qu’il faut oublier. On négocie véritablement une nouvelle place. La peur est derrière, on se ressent encore fortement, dramatiquement, des effets négatifs dus à l’Ombre de la Lune Noire, on anticipe la réprobation et l’échec. La peur du jugement des autres est ici omniprésente, ce qui n’enlève rien à la valeur des qualités développées ici ; il s’agit seulement, de comprendre les motivations cachées. Si l’on veut éventuellement apprivoiser le contenu de la Lune Noire, il faudra que ce point de vue arrive à dédramatiser certaines peurs. La culpabilité peut l’emporter ici, annulant toute possibilité d’affirmation ; on est à l’écoute, aux aguets de l’approbation, on veut absolument être accepté. Si ce point est chargé ou montre des fragilités, soit par les planètes qui y sont, soit par la position du maître, il peut y avoir une culpabilité innée. Même si rien ne le justifie, on se sent coupable, inacceptable. Il y a une forme de paralysie, les fantômes rôdent, on se ressent de l’écrasement et le regard des autres dominent sur soi. On ne fait pas confiance à son propre jugement, le doute peut être tel qu’on ne peut jamais oser l’avancer. Cela indique alors un important travail à faire afin de reconstituer l’estime de soi et se revaloriser. 

Sans que ce soit toujours aussi stigmatisé, on s’aperçoit de la présence de cette réalité chaque fois qu’il y a un rejet, une blessure, un échec ; alors, tel un réflexe, se raniment les forces et la façon d’être du point de Négociation, selon le signe impliqué, bien sûr. Lorsqu’on en prend conscience, on peut apprendre à s’en servir comme point d’appui, à s’ouvrir à ce que l’on ressent alors, pour regarder de plus près ce qui semble intolérable. Toujours du point de vue du carré ascendant, le rêve d’Absolu relié à la Lune Noire qu’on se sent incompétent à réaliser soi-même, peut nous amener à vivre une dépendance malsaine envers quelqu’un qui représente cette image. On est subjugué ou on projette sur l’autre ce qu’on ne se permet pas soi-même, souvent par incapacité. On veut voir chez cet autre une réalisation fabuleuse là où nous avions échoué, avions été blessés ou rejetés.  

Même si les événements difficiles remontent loin et qu’ils semblent oubliés, cela n’empêche pas le mécanisme d’être présent. Il arrive très souvent que des exemples dramatiques dans l’entourage nous aient marqués suffisamment pour créer une hantise de ce vécu. Ou encore, lorsque la dévalorisation est très présente, il y a probablement eu un personnage, un parent ou autre, qui a créé par son rejet ou sa réprobation constante cette mésestime de soi et cette culpabilité. Quand on se sent plus solide, qu’il y a moins de dépendance à l’approbation d’autrui, que la valorisation est suffisante, alors c’est l’énergie de Priape qui prend la relève. Les qualités développées au point de Négociation s’allieront à celles de Priape. 

Opposition ou Priape

Par définition, Priape s’oppose à la Lune Noire, il suit donc une logique d’antagonisme. Plus l’interdit décrété sur la Lune Noire est catégorique, plus Priape s’affirmera avec force. Les qualités du signe de Priape sont généralement visibles et facilement identifiables. On s’y reconnaît. 

De ce point de vue, l’identification aux qualités du signe impliqué rend confortable. Cela rassure, ainsi on ne risque pas d’être assimilé à ce que l’on rejette. Lorsque les caractéristiques du signe sont bien visibles, la Lune Noire se trouve mise à distance et semble endiguée. Il faut comprendre que Priape se développe à cause du rejet des énergies de la Lune Noire, même lorsqu’il semble bien établi, il existe pour affirmer que la Lune Noire n’est plus. Les défauts qu’il peut avoir ne sont donc pas aussi menaçants, on les tolère comme étant inévitables ou confirmant la personnalité de Priape. Il ne deviennent pas associés à l’Ombre comme pour ce qui est relié à la Lune Noire. Il faut des secousses assez dures pour que les énergies de Priape soit remises en question. Car lorsque cela se produit, cela nous précipite en face de l’existence de la Lune Noire. À ce moment, d’ailleurs, la personnalité et la vision de soi-même s’en trouvent fortement ébranlées, et l’on fait tout pour y revenir. On peut retourner aux énergies du point de Négociation ou réagir selon le point de Réaction que nous verrons après. 

D’ailleurs, le plus souvent, quand Priape subit un rejet, une réprobation, il y a très souvent réaction de mépris plus ou moins avouée. Qui ose ?… Priape s’est bâti grâce aux blessures ; il a des raisonnements sûrs, il dicte ce qu’il faut être et faire. L’expérience l’a démontré ! Tout l’édifice de l’identification et de l’extériorisation de soi-même y trouve ses assises, on ne peut l’attaquer sans provoquer une crise majeure. L’axe Lune Noire/Priape indique facilement des relations passionnelles d’amour et de haine. La haine pour tout ce qui remet en question l’identité rassurante de Priape, ce qui est une menace insupportable. Mais aussi haine pour tout ce que représente l’Ombre à laquelle on ne veut surtout pas être assimilé. Il arrive très souvent que l’on ressente un besoin viscéral de dénoncer ce qui ressemble de près ou de loin aux défauts du signe de la Lune Noire. Ce qui frappe le plus souvent à ce moment, c’est la passion qui y est mise et le débordement d’énergie dépensée. La haine distancie et peut s’avérer une façon de garder sa cohésion et le sens de son intégrité. Se définir contre reste un moyen de se trouver, d’affirmer qui on est, mais prouve aussi au fond le lien avec l’objet haï. 

À l’inverse, tout ce qui soutient l’image de Priape flatte et inspire la complicité, surtout si, de surcroît, cela provient de quelqu’un reflétant des facettes positives de la Lune Noire. La nostalgie de ce qui est devenu interdit ou de ce qui nous paraît inaccessible, mais enfoui au fond de soi-même, peut créer une véritable fascination pour quelqu’un qui semble posséder les qualités sans développer les défauts. L’admiration rend aisément aveugle, on tient à voir cet idéal se réaliser, ne serait-ce que par procuration en quelque sorte, ne pouvant l’être soi-même. De plus, on ne peut accuser facilement qui on aime des défauts liés à l’Ombre du signe de la Lune Noire sans condamner ; et c’est une condamnation alors très chargée émotivement, difficilement tolérable, on accuse de ce que l’on considère être le pire. 

Par contre, qui déçoit en montrant ce qui est inacceptable peut réveiller un formidable sursaut de rejet, une répulsion viscérale qui semblera disproportionnée. À moins qu’en tolérant et en pardonnant, on retrouve un pardon dont on a été lésé, se le donnant ainsi un peu à soi-même, ce qui peut avoir un effet bénéfique, si on n’est pas dans l’aveuglement. Priape reste une personnalité de compromis parce qu’on ne peut être la Lune Noire. Ceci cache une nostalgie, plus ou moins enfouie profondément dans l’inconscient, d’être glorifié selon la Lune Noire et non selon Priape, ce qui met en lumière, finalement, une profonde ambivalence. On peut vivre par procuration comme on l’a vu plus haut, mais l’insatisfaction se manifestera tôt ou tard. On aimerait au fond que quelqu’un découvre sa véritable nature et l’apprécie. Plus Priape est installé et solide, plus les chances de voir se poindre l’insatisfaction augmentent. 

En fait, la solidité de Priape est absolument nécessaire pour faire face à la Lune Noire et l’apprivoiser. Sans le développement de ce pôle pour contrebalancer la Lune Noire, il est impossible d’y faire face sans se laisser emporter par des excès parce qu’on ne peut se contenir. À moins que la peur surgisse ou domine, nous amenant dans des comportements absolument incohérents ; on risque alors de vivre des échecs cuisants, stimulant ainsi encore plus l’interdit et le sentiment d’incompétence. Les excès mènent d’ailleurs au même résultat néfaste.  Positivement, la distance et la personnalité confirmée de Priape par rapport au nœud relié à la Lune Noire, permettent une réflexion, de percevoir et de vivre une autre réalité tout aussi valable, et ainsi, à la longue, d’apprivoiser la Lune Noire avec plus de relativité. 

En se polarisant trop cependant, Priape peut très bien se rigidifier ; il risque alors aussi de vivre des dégringolades s’apparentant aux scénarios de la Lune Noire. Il s’agit de l’axe où l’on retrouve les jeux d’image et d’orgueil, le besoin d’identification satisfaisante et de valorisation, et aussi, par déduction, les possibilités d’arrogance et de chute.  Personnalité de compromis, cachant des fantasmes inavouables, peut-être même inconscients, Priape sert de digue aux énergies primaires appartenant à la Lune Noire. Lorsqu’il est trop crispé dans son rôle, qu’il y a trop d’inconscience ou de contrôle prétendu, les énergies refoulées et interdites risquent davantage de resurgir par sursauts, nous surprenant et nous déroutant. On découvre alors ces forces cachées dormant à l’intérieur de nous. Ou encore, l’insatisfaction se réveillera tôt ou tard, parce que Priape ne suffit plus à cacher ses nostalgies d’un autre ordre, à moins que ne suffise tout simplement plus l’approbation d’autrui, car on voudrait au fond se faire reconnaître autrement. Toujours est-il que le dépit ou la colère dus à l’incompréhension font remettre en question les valeurs de Priape. On se déplace alors au carré descendant appelé point de Réaction. La digue saute. 

Carré descendant ou point de Réaction

Le compromis Priape, si solide pouvait-il être ne réussit plus à satisfaire, à moins qu’il ne vienne d’être remis en question ou dévalorisé, laissant une amère impression d’être incompris ou de s’être dépensé pour rien. 

Il faut comprendre le point de vue du carré descendant comme un besoin d’affirmation, un besoin de sortir des différents carcans dans lesquels on se retrouve piégé, soit par la vie, par les règles ambiantes et surtout par le personnage auquel on a habitué les autres. On finit par s’y sentir à l’étroit et les attentes de continuité dans le personnage auquel les autres nous confinent, les jeux de miroir vécus dans ses rapports avec autrui, tout cela devient étouffant et appelle la rébellion. À l’opposé du carré ascendant, où la recherche d’approbation était le moteur principal, ici domine le besoin d’affirmer qu’on est hors de l’emprise du jugement des autres ; on ne veut surtout plus se culpabiliser, ceci quitte à créer des coupures et de risquer de blesser. On n’écoute plus, on dit son fait ou on agit selon son entendement, peu importent les conséquences ou les réactions. On est prêt à risquer le rejet et à rejeter. 

On se surprend souvent soi-même dans son comportement, la réaction peut d’ailleurs être soudaine et explosive. Plus on ne s’était pas rendu compte qu’un ras-le-bol se préparait, qu’on incarnait des contradictions, plus on se croyait à l’abri et en parfait contrôle, moins on s’était habitué aux remises en question de soi-même, plus les réactions sont intempestives et incontrôlables. On n’en peut plus et on ne sait pas toujours pourquoi. Il faudra regarder ce qui était refoulé et aussi les attentes peut-être inavouées que l’on avait, et qui se sont révélées déçues. Ce ne sont plus les autres qui dirigent, ni même certains principes que l’on croyait inébranlables, mais le fond de soi qui cherche à se révéler. Il s’agit en fait, très souvent d’un réflexe de survie. On ne se rend pas toujours compte qu’on agit pour une grande part selon l’approbation des autres, pour plaire, et que ce que l’on croyait être soi peut se révéler un amalgame d’influences qui nous éloigne de notre réalité profonde et finit par nous étouffer par les obligations ainsi imposées. 

En fait, le plus souvent, la digue saute parce qu’on n’avait pas conscience des motivations réelles, donc on n’avait pas vraiment décidé, on n’avait pas eu à juger de la chose ; il se peut très bien que les circonstances pour ce faire n’aient tout simplement pas existé jusqu’alors. Devant la réaction manifestée, il faut alors se poser des questions, prendre conscience de ce qui se passe et quelles sont ces motivations profondes. Le sentiment d’être incompris, de frustration accumulée, les contradictions personnelles conscientes ou inconscientes et non intégrées, les attentes toujours sous-jacentes que l’on n’assume pas, tout cela prépare à ce que le couvercle saute un jour ou l’autre et que l’explosion se produise, ou encore appelle des événements hors de contrôle qui bousculent, Momentanément, on est prêt à agir envers et contre tous, à faire tomber les masques. Mais cela dure rarement, la peur de l’opprobre se réveille et la rébellion s’éteint. On n’a pas envie de vivre ce que l’on fuyait, on remet donc en route le système. 

Lorsque la réaction se produit, il s’agit d’un excellent moment pour faire le point, regarder ses comportements, comprendre les mécanismes, découvrir ce qui est caché, bref, avoir un nouveau regard sur soi. On peut se servir de ce moment pour changer, transformer certaines réalités qui ne conviennent plus et sortir des patterns cristallisés. La rébellion transmet une énergie d’action et de courage qui s’avère très utile dans les temps de transformation.  Quand ce point du thème est chargé, ou que son maître domine dans le thème, on risque de vivre plus ou moins en rebelle. On n’accepte pas de se soumettre d’emblée aux règles ambiantes, on remet en question pour le meilleur et le pire les valeurs établies et on refuse de se laisser influencer comme s’il s’agissait automatiquement d’une abdication. On ressent fortement le besoin de faire sa route par soi-même. Au pire, le comportement peut s’avérer très destructeur pour soi ou pour son environnement ; au mieux, on sera un transformateur actif. On est souvent mû par un besoin viscéral de comprendre difficile à satisfaire. Évidemment, pour comprendre les formes que cela peut prendre, il faut tenir compte du signe qui est impliqué. L’axe Négociation/Réaction met en dualité le besoin d’approbation et le besoin d’affirmation, la culpabilité et la colère, l’écoute et la coupure, la soumission et la rébellion. Trop de l’un finira sûrement par faire basculer dans l’autre. De même, qui est trop impressionnable sera attiré par qui sait s’imposer. En étudiant cet axe, on découvre des jeux de complémentarité qui s’actualisent dans les rapports avec les autres. 

Le rythme de passage d’un point à un autre est très variable. Selon les événements, le processus de réaction en chaînes d’un point à un autre peut s’accélérer soudainement. Il y a une tendance générale à se fixer entre le point de Négociation et Priape, où on se sent plus à l’aise. Le tout peut avoir des cycles aussi variables dépendant des domaines de la vie que l’on regarde que le temps d’une heure, quelques années, une vie, ou même sur une échelle plus grande comme la vision de plusieurs vies.

Prendre conscience de ce mécanisme, de ses motivations, est le seul moyen de commencer à se sortir du piège formé souvent avec finesse et renforcé au fil du temps. Tant qu’on ne s’en rend pas compte, ce pattern fonctionne de lui-même, comme une série de réflexes qui s’enchaînent, on n’est pas vraiment maître de nous-mêmes. En prendre conscience, c’est comme reprendre le gouvernail, plus conscient de la réalité de soi-même et de la vie. 

Le fonctionnement de la croix tel que nous venons de le décrire et dans le sens que nous venons de le faire est le plus généralisé, celui qui se joue le plus souvent. Le mécanisme du pattern tourne alors d’un point à un autre dans le sens du zodiaque.  Mais il peut y avoir d’autres mouvements selon les circonstances. La peur liée à la Lune Noire peut engendrer directement la Réaction, par exemple, lorsqu’on se sent trop menacé.  

Chacun des deux axes peut fonctionner, par moments, de façon qui semble tout à fait indépendante. Chaque pôle joue alors un rôle de complémentarité essayant peut-être de maintenir un équilibre ; on passe de l’un à l’autre selon un jeu de bascule hors de contrôle, à moins qu’ils ne se dynamisent l’un l’autre. 

  
                                                     

Classé dans : extrait | le 28 janvier 2007