La Lune Noire
La Lune Noire représente le noyau intérieur de nos forces inconscientes, elle est une source originelle. Dès le début de sa découverte, on l’a appelé Lilith, reine des Enfers, épouse de Samaël…
Lilith, le mythe
 Une époque charnière et riche en transformations telle que nous la vivons, provoque des situations de chaos, propices à nous faire rencontrer des forces qui peuvent nous sembler horribles et destructrices si on s’y laisse prendre au premier coup d’oeil. Mais toute destruction ne porte-t-elle pas en soi une résurrection obligée, porteuse d’une nouvelle vie ! C’est probablement pourquoi nous voyons apparaître une fascination pour le mythe de Lilith, synonyme de chaos, de désordre, d’indépendance fantasque, et qui semble avoir été oublié au fil du temps, comme si on avait voulu en effacer les traces.
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Lilith provient, en fait, de traditions très anciennes du Moyen-Orient, qui sont à la source de ce qui a engendré la Bible. On la retrouve étrangement, beaucoup plus tard, dans le Zohar, livre de commentaires bibliques de tradition judaïque. Elle y est présente de façon éparse par des allusions. Il faut rassembler les différents passages pour se faire un portrait plus précis. Dans la Bible traditionnelle, elle a disparu, ou plutôt on l’a remplacée par la présence du serpent, probablement plus acceptable aux yeux de certains que cette première femme, existant avant l’homme et qui ose dire non à Yawhé. Il reste que toutes les traditions mythiques ont leurs femmes rebelles, porteuses de vie ou de mort, fantasques, monstrueuses, trompeuses, castratrices, assoiffées de sang, etc. On n’a qu’à faire référence à Kali, Ishtar, Freija, la Méduse, les Ménades et toutes les autres. Et aussi, dans la plupart des traditions, il y a eu d’abord une femme, déesse-mère ou terre-mère, et Lilith en est un exemple frappant. De Lilith, il est dit qu’elle était au Commencement, avant Adam, avant Ève. Source de fécondité, très prolifique, elle s’active inlassablement à multiplier la vie et elle est mère de centaines d’enfants qui naissent d’elle tous les jours. Elle représente le pouvoir féminin, la connaissance instinctive de la vie, la Nature, dans son sens le plus profond et aussi le plus primaire. Au commencement, donc, Lilith est une déesse-mère, capable d’engendrer tous les jours une progéniture innombrable. Fécondité qui ne se tarit pas après sa rébellion et lorsqu’elle se retrouve aux Enfers, mais elle devient alors, aussi, mortelle pour les humains et dangereuse.
Et c’est à ce moment que Lilith prend une dimension maléfique et qu’elle est rattachée à l’Ombre, au noir, à la nuit, au néant, à l’enfer, à l’aveuglement et à l’impuissance. Avec de tels liens, il n’est guère étonnant qu’elle impressionne. Ce ne sont pas là tous ses attributs; il faut souligner, entre autres, un absolu d’indépendance et de liberté qui ne laisse aucune alternative aux compromis quels qu’ils soient. Le Noir fait peur, on y pressent des ombres mouvantes, maléfiques, semant d’autant plus la crainte qu’elles sont invisibles, qu’elles nous manipulent à notre insu, nous laissant impuissants à réagir et vidés de nos forces.
La rébellion de Lilith
Sans cette force féminine réceptrice, il n’y a pas de création concrète possible, donc il est tout naturel qu’elle se voit l’égale de la poussée Yang, d’où la rébellion très compréhensible de Lilith lorsqu’il lui est demandé de se soumettre à l’homme. En reniant l’importance de cette réalité féminine en tant que force essentielle à la création, ne se retrouve-t-on pas avec une équation impossible ? C’est pourquoi Lilith refuse de se soumettre à Adam comme il lui est demandé, elle se veut son égale et ne voit pas pourquoi il en serait autrement. Dans le Zohar, il est dit aussi : « La Femelle conçut le mâle et enfanta l’esprit d’Adam ». Mère d’Adam ! Quel est ce fils dont elle devrait devenir la femme à la demande de Dieu ? ce qu’elle refusera, d’ailleurs, préférant les Enfers à ce mariage. Elle se rebelle d’avoir à se soumettre à une volonté qu’elle considère abusive. Pourquoi lui accorderait-elle cette autorité alors qu’on ne peut rien sans elle ? Cette opposition s’avère par elle-même une force importante qui prendra tout son sens avec le temps. C’est ainsi, en réalité, qu’elle remplira finalement sa tâche.
La mission d’Adam
Lilith était là, au commencement, avant Adam, et c’est à elle d’enfanter son esprit. Si on comprend Lilith comme représentant les forces premières de la nature, la création dans son évolution, on comprend qu’Adam représente l’arrivée de l’humain. Il est le premier homme, un être pensant, c’est-à-dire qu’il possède, en potentiel, la capacité d’acquérir la connaissance complète, entière, et de pouvoir l’incarner. Il pourra alors, faire le lien entre le Ciel et la Terre. N’est-il pas le fils du Ciel (créé par Dieu) et de la Terre (Lilith) ? C’est donc dire que Lilith a fécondé Adam, puisque l’homme fait partie de l’évolution terrestre. Mais cela suppose aussi la volonté d’une intelligence plus grande, contenue dans le souffle créateur, que l’on peut appeler volonté divine, dans le sens d’une volonté de poussée sous-jacente à l’univers tout entier, une Intelligence inhérente à l’univers.
Adam est le fils de Dieu et il a croqué la pomme de l’Arbre de la Connaissance (encouragé par le serpent, digne représentant de Lilith), c’est-à-dire qu’il possède les atouts nécessaires pour connaître les choses, connaître l’univers qui l’entoure ; il est donc doté d’un «mental» ou d’une « intelligence ». Ne voilà-t-il pas un pouvoir extraordinaire. C’est ainsi que Lilith le féconde, elle lui fait croquer la pomme, elle le réveille au désir de connaître, autant par l’expérience des sens que par le désir de découvrir, d’apprendre, elle le met donc sur la longue route de l’évolution de la conscience. Mais l’humain, quoique pensant, ne possède pas de façon innée le pouvoir de la connaissance et de la création, celui-ci lui reste à acquérir. Il est confié à Lilith un rôle primordial pour aider Adam à y arriver. Lilith, force d’opposition, mater matéria, terre-mère, creuset de l’expérience, sera pour l’homme une confrontation continuelle avec la réalité, façonnant ainsi sans relâche l’esprit de celui-ci, avide de comprendre cet univers dans lequel il est piégé. Il acquerra durement cette connaissance et il aura pour cela besoin de l’aide du Temps et de l’Expérience. C’est par cette confrontation à travers le temps que Lilith féconde l’esprit d’Adam et lui permet ainsi d’arriver à son aboutissement. …
Lilith, force primaire
Pourquoi donc Lilith, connaissance instinctive de la vie, ce véritable pouvoir féminin, refuse-t-elle d’épouser Adam et de se soumettre à Dieu ? Voilà une question que l’on peut se poser.
Avant l’homme, il y avait la matière, il y avait la vie, les forces de la nature, végétales et animales, obligatoirement soumises aux lois sous-jacentes à la création, les projetant d’instinct ; il n’y a pas d’intervention mentale, c’est la Nature dans son expression la plus pure.
Elle sait parce qu’elle est, sans autre forme de réflexion ; ça ne lui est d’aucune utilité, semble-t-il, de développer un esprit qui sera à la recherche insatiable d’une Compréhension. Elle se satisfait de son instinct de la vie, elle veut jouir de ce que les sens lui offrent, et ne veut le remettre en question. Et pourquoi pas ? Elle se sait un des pôles incontournables de la vie, elle est la matière première, celle qu’on doit ensemencer pour que la vie soit féconde, on ne peut faire sans elle. Plus, elle représente les forces primaires de la nature, celles qu’on ne contrôlent pas, qui peuvent se déchaîner avec une violence inouïe. Les forces de l’eau, du feu, de l’air, de la terre, qui sont sources de vie mais qui peuvent aussi entraîner une destruction effrayante.
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Cette réalité féminine, sauvage, reste enfouie dans le fond de la nature de tout humain, telle une empreinte indélébile.
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Le chemin d’Adam
Lilith représente en nous ces forces primaires qu’on ne maîtrise pas, le pouvoir de l’Instinct qui, finalement, fait peur. Adam, représentant pour sa part l’humain dans sa quête (puisque le divin a semé en lui le besoin du ciel), ne peut se satisfaire d’une existence dont il ne comprend pas la raison, et surtout dont il n’a pas la maîtrise. Il développe alors la peur de Lilith.
Il rejette en lui les forces instinctives qu’il ne maîtrise pas, il les refoule, les renie, croyant ainsi les dompter et les contrôler. Il cherche à les enfouir au plus loin de sa conscience. Ce faisant, il fait le premier pas concret sur le chemin de la dualité. Mû par une quête du plus et par un besoin impérieux de savoir et de pouvoir organiser le monde qui l’entoure, il devient moralisateur, divise la réalité en « bon et mauvais», en « bien et mal», établit des échelles de devenir, classe les valeurs, explique son monde environnant selon ses critères, bref s’enfonce dans un labyrinthe de savoir, refusant l’inexplicable ; il se retrouve ainsi sur le chemin de l’apprentissage, l’expérience le confrontant sans cesse.
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L’humain est né d’une dualité, il est lui-même cette dualité, fils du ciel et de la terre. Mais il peut avoir accès à l’Arbre de la Connaissance, c’est-à-dire qu’il est porteur de cette quête de l’Unité, source première, existant au-delà de cette dualité, tout en l’incluant. Pour y arriver, il devra connaître l’Ombre et la Lumière, avoir percé à jour cette double réalité, l’avoir vécue et revécue, l’avoir ressentie jusqu’au plus profond de lui-même, et ne plus être esclave de son ignorance et de ce jeu des contraires que l’on peut trouver cruel sans doute.
Peut-on en vouloir à l’humain de rejeter, terrifié, le gouffre noir de l’Ombre, de l’inconnu ? Que veut dire l’Ombre si ce n’est pas la pénétration de la matière, dure, réelle, incontournable ? Ne dit-on pas « descendre dans la matière », que « l’homme a chuté », etc.? Ce sont des expressions qui témoignent de cette dure réalité qu’est la confrontation avec la matière, avec la vie, et qui représentent aussi la quête de l’homme à la recherche de son sens devant ce qui peut aisément ressembler à de l’absurde….
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Au bout de son expérience, l’humain doit retrouver Lilith, représentante de l’Ombre, faire face à ses peurs, les reconnaître et les intégrer. Lorsqu’il est prêt à faire face à ce qu’il a de plus primaire et cristallisé à l’intérieur de lui, il amorcera la descente aux Enfers où règne Lilith. Il osera explorer les couches les plus profondes de son inconscient, se confrontant ainsi aux forces primaires de son être. Et Lilith ayant la connaissance de ses forces, lui donne alors la clef nécessaire à son accomplissement.
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Dans toutes les traditions initiatiques, on considère la descente aux Enfers comme un passage obligatoire vers la sagesse, une purification nécessaire, une épreuve incontournable. De tout temps, on a respecté et craint celui qui était descendu aux Enfers, celui qui connaissait, à ce moment, ces ténèbres terrifiantes et en était revenu. Il devenait alors un dieu ou un saint. Il avait vaincu la peur, avait vaincu le Dragon, avait chevauché le Tigre, avait rencontré le « Gardien du Seuil », avait vaincu la dualité. Il ne rejetait plus les ténèbres, elles lui appartenaient, elles devenaient « énergie » pour lui, elles devenaient une source. Il était devenu Arbre de Vie, autant capable de plonger ses racines dans les profondeurs de la terre pour y puiser les éléments vitaux que de déployer ses branches au soleil pour y recevoir une énergie de lumière tout aussi vitale. Voilà un des symboles des plus complets de la réalité yin et yang réunis pour faire circuler la vie. On ne peut rejeter les Ténèbres sans se couper d’un des pôles fécondants de la Vie. De même, rester aux Enfers ou dans les Ténèbres empêche tout autant l’épanouissement.
Et voici Ève !
Mais Adam ne peut faire face à Lilith dès ses débuts, sa force primaire le rebute, et il n’a pas encore accumulé l’intensité nécessaire pour cela. Il lui faut donc un féminin plus accessible, alors arrive Ève. Née d’une côte d’Adam endormi par l’intervention de Dieu, Ève est de la même matière que celui-ci. De plus, elle est en quelque sorte reliée au Rêve, puisque conçue pendant son sommeil. Le rêve est le propre de l’homme, …
Ève est prête à partager le destin d’Adam, elle représente la femme non seulement soumise mais aussi protectrice, celle qui s’occupera de soutenir la vie au quotidien. La connaissance des cycles de la nature, la nourriture que l’on peut tirer de la terre, la reproduction, la protection de la vie sont autant de symboles que l’on accorde aussi au féminin mais ceux-ci sont plus acceptés. … Ève représente le refuge du foyer, la maternité, la douceur, mais aussi le quotidien, l’intimité, la cellule autour de laquelle s’organisent toutes les dynamiques de l’humain.
Ève, que l’on croit maîtriser, alimente le rêve de la douceur, de la paix, de la tendresse, nous donne l’impression d’être protégé par la vie et de la contrôler. Mais, finalement, elle nous amène petit à petit dans l’expérience pas du tout contrôlable de cette même vie. Ève nous amène dans la matière, c’est-à-dire dans l’expérience et l’absorption de la réalité par un mirage accessible, et il faut croire que nous en avions besoin pour s’y laisser prendre ; et surtout pour développer, par le vécu quotidien à long terme, une compréhension intégrée de cette réalité.
En fait, on a divisé le féminin en créant Lilith et Ève, deux visions, deux façons d’appréhender l’Inconnu. Deux féminins, l’un qui annonce ses couleurs sans adoucissements, qui annonce l’emprise des sens, la puissance des forces primaires qui, plus tard feront connaître la descente dans le gouffre. Un des symboles les plus percutants attribué à Lilith est celui du vagin denté ; l’idée en elle-même est suffisante pour créer une hantise de castration. De quelle castration peut-on parler si ce n’est celui du pouvoir personnel que l’on croit posséder, de la hantise de se voir dans l’obligation de vivre une situation d’impuissance, d’être écrasé, anéanti, sans ressource, sans aucun recours possible !
Que l’on se rebute paraît donc tout naturel. Voilà pourquoi l’homme a besoin de ce féminin représenté par Ève, accessible, qui présente la vie comme attrayante ; mais aussi, et c’est loin d’être négligeable, lui donnant raison dans sa quête de compréhension. Celle-ci passe longtemps par tous les détours d’une quête de réalisation sous toutes ses formes : le plaisir, l’avoir, la puissance, la gloire.
Lilith, Ombre
L’humain se laisse bercer longtemps par ses rêves, … s’interrogeant seulement quand il est éprouvé. Il rejette dans l’ombre tout ce qu’il ne peut absorber de la réalité, tout ce qui le dépasse et surtout, tout ce qu’il refuse. Ce refus devient Lilith, qui guette au fond de son âme et appartient à l’Ombre, et il n’en a que fort peu conscience pendant longtemps. Il lui faut accumuler de la force et beaucoup d’expérience pour l’affronter.
Paradoxalement, les mystères des Ténèbres, où règne Lilith, nous attirent non seulement parce qu’on y pressent un pouvoir fantastique et que nous ne le possédons pas, mais aussi parce que la véritable naissance de l’humain à l’Humain conscient en dépend. On voudrait s’approprier ce pouvoir mais sans en payer le prix, sans avoir à l’incarner, ce qui veut dire le vivre, le ressentir dans notre réalité psychique et corporelle, pour savoir véritablement, concrètement, de quoi il s’agit. On se retrouve avec une puissante attraction envers ce pouvoir que l’on ne peut soutenir, et d’autre part, avec un refus cristallisé par la peur.
Souffrance relative, latente, épisodique, on s’endort, avec des explications et des justifications, et surtout en essayant de jouir d’une réalité accessible dans l’immédiat mais toujours temporaire. …
Lilith devient pour l’humain un paradoxe ; d’un côté l’Ombre, antre de nos frayeurs et de l’inacceptable, et de l’autre, la vision d’un Absolu, contenu dans le pouvoir pressenti de Lilith.
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Chacun se fait une vision de l’Absolu, il y est attiré comme un papillon autour de la lumière. Comme celui-ci, d’ailleurs, il s’y brûlera, car un Absolu est une polarisation, et son corollaire signifie qu’il contient le rejet de son contraire. Il est demandé plus que cela à l’homme, qui doit inclure, dans sa réalisation finale, toutes les réalités.
L’intégration de l’Ombre
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Lilith qui était au commencement, représentant les forces primaires et non-apprivoisées de nos instincts, nous attend à la « Fin des Temps » dit le Zohar, c’est-à-dire qu’elle nous attend le moment venu, pour nous obliger à faire face à nous-mêmes, à nos démons. Lilith voit dans la nuit, elle la connaît, rien ne lui échappe. Elle nous entraînera dans la descente en ces profondeurs de notre être, afin qu’on y plonge nos racines et qu’on crée la fusion nécessaire avec toutes nos parties. …
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Lilith et les autres démons comme elle sont rattachés dans le Zohar, au pilier de la Rigueur de l’Arbre Séphirotique, c’est-à-dire au réceptacle rigoureux qui sait et ne fuit pas. Le féminin que l’on sort de l’Ombre, dévoilant les vérités que l’on ne souhaite pas voir et entendre, capable de se regarder sans faux-fuyant, sans excuse, qui n’accepte plus ni duperie ni justification, voilà la Rigueur dans toute sa force et son sens. Plus de tricherie, on sort tout notre être de l’ombre. Car Lilith demeure toujours incapable de compromis.
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Lilith nous attend donc pour nous aider dans la connaissance de soi. Elle est là, cachée, et surgit chaque fois qu’elle le peut ; c’est ainsi qu’agissent les forces de l’inconscient. Vouloir la connaître, c’est commencer la véritable découverte de soi et c’est accepter la vie dans toute sa réalité ; et encore plus, c’est con-naître la Vie. La clef qu’elle nous livre, c’est celle qui permet d’intégrer notre Ombre, d’y puiser l’énergie emprisonnée et, enfin, de se libérer.
De Lilith à la Lune Noire
Force de Refus/Quête d’Absolu
Un mot-clef rattaché à la Lune Noire est un Non !, un Non profond, violent, qui se veut catégorique et absolu. Un cri ! Le même cri que celui lâché par le nouveau-né lorsque l’air pénètre dans ses poumons et qu’il reçoit le choc de la vie. Tout est dans ce moment, tout y est condensé, le refus de la violence du choc, la volonté de vivre et la fin du confort inconscient. Avec ce cri se cristallise un refus qui se manifeste chaque fois que nous sommes confrontés aux chocs de la vie et qui reste inscrit en nous-mêmes. Il faut beaucoup de chemin pour parvenir à la pleine acceptation de toutes les facettes de la vie. Lorsqu’on ressent dans ses entrailles la poussée de ce cri, dans ces moments terribles, on a une idée de l’ampleur de la force contenue dans ce refus.
Pour chacun, ce refus se cristallisera par la suite dans un premier événement, vécu comme insupportable, soulevant une panique et créant un choc tel qu’autour de cet événement se développera aussitôt des réflexes pour ne plus le revivre. Il est contenu dans cet événement aussi une telle perte de sécurité, une telle impuissance que la peur s’inscrit profondément. Et par la suite, tout ce qui pourra constituer un rapprochement avec cet état sera assimilé à ce que l’on doit fuir. En même temps que le choc brutal ressenti, paradoxalement, on garde la mémoire, plus ou moins clairement d’un état « avant » vécu comme une perte épouvantable, un état qui devient magnifié, idéalisé, ce qui crée la nostalgie de cet état. Un désir compulsif de le retrouver en émerge. L’événement qui est si terrible pour l’un serait anodin pour un autre. Pas besoin de chercher ici des faits tragiques, bien que la vie en offre beaucoup, mais ce qui déclenche le processus pour chacun ne nécessite pas toujours des événements si dramatiques. Un jour ou l’autre, la vie nous paraît cruelle et insupportable et on perd l’innocence première. On a ici, en résumé, le complexe de la Lune Noire : une énorme tension entre le désir de retrouver un état premier perçu comme idyllique et une peur viscérale de revivre un cauchemar.
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Le drame de l’humain n’est-il pas de savoir qu’il existe ? Il tâtonne, il cherche, il est en quête de sa destinée définitive, celle qui n’a plus besoin de s’interroger. En attendant, il se trouve mille et une raisons de vivre. Celles-ci ne tiennent qu’un temps avant d’être balayées par des bouleversements ou tout simplement par l’érosion du temps qui finit toujours par relativiser, jusqu’à dissoudre l’importance qu’on avait accordée à ces buts temporaires, si élevés semblaient-ils ! …
Avec le temps, Lilith nous permet d’acquérir de la maturité, à force de luttes acharnées d’où elle sort vaincue puisqu’elle ne peut tenir au grand jour son personnage, ce qu’elle désirerait véritablement. Plus elle s’acharne, plus elle nous fait découvrir les forces contraires, dualistes de la réalité ; alors elle devient pour nous Rigueur, elle devient celle qui nous permet de découvrir nos Ténèbres.
Elle incarne ces Ténèbres, elle s’acharnera à nous laisser savoir ce qui n’est pas encore intégré de notre réalité profonde, qui appartient à l’Ombre, ce qui n’est pas encore résolu. Elle tiendra jusqu’au bout, tant et aussi longtemps qu’il restera des coins sombres à révéler, des lieux de notre inconscience et de nos instincts primaires qui appartiennent au refus et à l’ignorance. Elle règne en ces lieux, elle les connaît et en garde possession tant qu’ils existent. Si on se met à son écoute, elle n’aura de cesse de nous les amener à la lumière, elle peut nous les indiquer, les mettre en relief avec la même volonté extraordinaire qu’elle a mise dans son refus. Y aurait-il véritablement possibilité d’accéder à la Conscience s’il n’y avait au départ cette résistance farouche ? Cette tension, par son insistance, par la confrontation qu’elle nous fait vivre, ne nous fait-elle pas intégrer finalement, jusque dans nos cellules, la Connaissance ? Il semble que chaque parcelle de cette connaissance soit acquise avec beaucoup de difficultés.
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Quand on cherche à contrôler, ou à interdire des réalités, parce qu’on ne veut plus avoir mal, nous construisons des digues qui empêchent la libre circulation des énergies et les entrechoquements nécessaires au processus créateur ; mais nous empêchons aussi la possibilité de découvrir en profondeur, donc d’accéder à une compréhension globale. …
Ce que l’on s’interdit, ce que l’on refuse d’envisager, ressort en sursauts incontrôlables, brisant la digue de nos peurs et de notre bonne volonté, nous prouvant que ça existe encore en nous. C’est pourquoi la Lune Noire représentant ce qui est refoulé ou interdit, fait peur. Dans un thème astrologique, elle représente ce qui ne devrait pas exister, ce que l’on voudrait juguler, pour ne pas encourir le risque de faire des erreurs aux conséquences désastreuses.
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Qu’est-ce qui fait réellement mal si ce n’est de perdre la face, d’essuyer des humiliations, de vivre l’abandon, le rejet, le mépris ou la condamnation de gens qu’on aurait voulu éblouir ? Les chutes et les déchéances que l’on traverse dans une vie ou dans le cycle des incarnations tiennent à notre acharnement orgueilleux et surtout, à l’inconscience et à l’ignorance. On ne sait pas ou on ne veut pas savoir que des limites existent. Il nous faut apprendre. Ces expériences douloureuses laissent des marques indélébiles dans l’âme. On ne veut plus s’y laisser prendre, la peur s’installe et nous commande des interdits.
Dans un thème astrologique, la Lune Noire indique un rêve d’Absolu, une vision individuelle quasi mythique de la perfection plus ou moins endiguée chez chacun par un interdit. Cet interdit s’est installé suite à un échec cuisant vécu comme intolérable, et dont on porte l’entière responsabilité. …Ce qui n’empêche pas d’en garder la nostalgie. Il y a donc fascination et rejet du même souffle de ce que représente la Lune Noire.
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La Lune Noire : expérience incontournable et source obligée d’apprentissage
De toute façon, la Lune Noire est ressentie pour chacun, soit elle nous fait vivre une expérience directe comme mentionnée ci-dessus, ou, on s’y frotte indirectement lorsqu’elle nous est interdite, alors elle se manifeste par l’entremise de personnes, d’événements répétitifs, de difficultés tenaces qui se retrouvent régulièrement sur notre chemin et qui nous bouleversent et nous dérangent fortement.
Au fur et à mesure que l’on vit des faits percutants, on inscrit dans notre mémoire ce qui a été ressenti, ainsi que les raisonnements faits à ces moments, et ce, que ce soient des faits positifs ou négatifs. Comme on le sait, le propre de l’humain est de chercher à répéter ce qui a été plaisant et valorisant, et de fuir ce qui a fait mal. On devient ainsi conditionné, programmé. Il n’empêche que ne démord pas facilement l’espoir de pouvoir se reprendre, avoir une seconde ou une troisième chance et plus, de pouvoir s’entendre dire que l’on a pas mérité le sort douloureux. On voudrait exiger, en quelque sorte, réparation et retrouver l’aspiration absolue, si fascinante. Ce qui explique que l’on puisse tomber aussi souvent dans le même panneau, comme la vie nous le prouve régulièrement. Ce n’est pas un hasard si on s’accroche désespérément à quelqu’un de qui on attend amour ou reconnaissance, et de qui on est toujours déçu ou blessé. De même, ce n’est pas un hasard non plus que tel ou tel domaine de notre vie subisse systématiquement des frustrations ou des échecs alors que d’autres évoluent si aisément. Pourquoi, alors, n’arrive-t-on pas à faire le deuil de ce qui ne va pas ? Sans parler du genre de personnes qui, systématiquement nous fascinent à nous faire perdre tout jugement, ou soulèvent notre aversion ou nous blessent. L’étude de la Lune Noire répond à ces questions.
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Il faut apprivoiser la Lune Noire
Il nous faut apprendre à apprivoiser le contenu de la Lune Noire, apprendre à débusquer ses différents visages, à développer l’écoute intérieure qui nous permet d’y accéder, à admettre les sentiments dérangeants qui nous animent ; ainsi nous apprenons à connaître notre âme dans ses profondeurs. Il nous faut apprendre à ouvrir la porte de cet interdit, oser agir le défendu sans se laisser prendre par la panique qui se soulève devant ce qui apparaît comme inacceptable, soutenir le jugement des autres, et réajuster notre jugement devant la réalité telle qu’elle est, et non du point de vue dramatique lié à la peur viscérale inscrite dans la Lune Noire.
De plus, il nous faut aussi apprivoiser la force d’attraction incluse dans la Lune Noire, apprendre à agir l’interdit sans se laisser emporter et griser par un absolu qui fait perdre tout sens commun. Il faut donc ramener celui-ci à des proportions plus réalistes, ce qui implique le deuil d’un rêve, ou plutôt d’un mirage qui agit comme un aimant. Un jour ou l’autre, au bout du périple de notre refus, nous faisons le choix conscient de nous incarner, nous nous réapproprions la volonté de vivre, en toute connaissance de ce que cela implique. Nous participons alors plus pleinement et avec un accord profond de la Création.
Conclusion
La Lune Noire représente le noeud originel autour duquel se développe toute notre personnalité. Elle remonte au commencement, comme Lilith. Elle est le fondement, la source du vécu heureux et malheureux. L’attraction due à la vision de l’Absolu qu’elle exerce dès le début nous englue dans l’expérience de la réalité, nous obligeant ainsi à la connaître dans le meilleur et le pire. Elle est le fil qui tisse la toile de la chrysalide de laquelle nous émergeons un jour transformé, exhalant la beauté de la vie comme un papillon ; ceci d’autant plus que la douleur et la noirceur sont connues, intégrées et transcendées. Elles ont cependant participé à cette réalisation. Sans cette attraction, ferions-nous ce voyage à travers la vie ? Aurions-nous tant envie de nous incarner, ce qui veut dire prendre chair, donc de pénétrer la matière, de réussir à s’y fusionner sans se perdre. Elle nous amène au coeur de cette matière, au noyau dur, pour y prendre l’énergie contenue.
De cette façon, elle permet l’ouverture à la Conscience, donc elle nous sort avec le temps du puits d’ignorance. Ceci parce qu’elle rend l’expérience de la réalité incontournable, puis oblige la réflexion, oblige aussi à se débattre avec la vie, à la connaître, et finalement conduit à l’observation de soi, instrument essentiel à la connaissance de soi, qui mène à la Conscience. Â
Pattern de Comportement engendré par la Lune Noire
La croix de la Lune Noire
Jusqu’ici, nous avons étudié la Lune Noire elle-même. Celle-ci représente un inconfort difficile à vivre, et le plus souvent un interdit décrété avec force. Même s’il est fréquemment devenu inconscient, sa présence reste toujours sous-jacente. Soit parce qu’on ne peut, soit parce qu’il ne faut pas être la Lune Noire, il y a besoin de se définir autrement. Les carrés et l’opposition à la Lune Noire joueront des rôles de compensation, chacun à leur façon. Ceci se vit comme une réaction en chaîne et devient un pattern de comportement à la base de toute la personnalité. Si l’énergie associée à la Lune Noire n’est pas vraiment empêchée d’être, elle représente alors une zone d’expériences sensible avec laquelle on se débat, on risque de vivre des hauts et des bas, des succès et des échecs, d’être tiraillé entre l’attrait de celle-ci et l’aversion. Avec la difficulté, on passera aux autres étapes du pattern tel que nous allons le démontrer ici. Donc, la force de l’interdit de la Lune Noire est variable pour chacun. La lecture astrologique du thème nous renseignera sur le sujet, surtout par la place qu’elle tient dans le thème, ses aspects, etc. L’importance de chacun des points nous aide aussi à voir où on en est face à celle-ci.
Étudions donc le mécanisme du développement de ce pattern à travers la croix formée par ces quatre points. Partant de la Lune Noire, on se déplace au carré ascendant appelé Point de Négociation, puis on se rend à l’opposition appelé Priape*, et finalement on termine le tour avec le carré descendant appelé Point de Réaction.
FIN DES EXTRAITS